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France

Antisémitisme : l'agression d'une jeune femme suscite l'indignation
LEMONDE.FR | 11.07.04 | 18h36
De nombreux hommes politiques ont fustigé le silence des passagers présents lors de l'agression.

L'agression à caractère antisémite d'une femme et de son bébé, survenue le lendemain de l'appel lancé contre tous les racismes par Jacques Chirac au Chambon-sur-Lignon, a provoqué une vive émotion dans l'ensemble de la classe politique et parmi les associations.

Le président de la République a samedi soir a exprimé son "effroi", tandis que le ministre de l'intérieur, Dominique de Villepin, a condamné "une agression ignoble". Le ministre délégué aux anciens combattants, Hamlaoui Mekachera, a estimé que "la portée de cet acte commis par des auteurs, qui selon des témoins, seraient d'origine maghrébine, porte un préjudice incalculable à ceux qui appartiennent à cette origine et vivent paisiblement".

"Au nom du gouvernement", le ministre de la santé Philippe Douste-Blazy a déclaré que l'antisémitisme et le racisme sont les "pires dérives mortelles pour notre démocratie", tandis que le président de l'Assemblée, Jean-Louis Debré, assurait que "l'ensemble des députés" partageait "cette révolte devant ces actes ignobles".

De nombreux hommes politiques ont fustigé, comme le député (Verts) de Gironde, Noël Mamère, "l'apathie et le silence des passagers qui ne sont pas venus en aide à cette
dame"
. Ces passagers "sont-ils devenus sourds, au lendemain de l'appel du chef de
l'Etat, à Chambon-sur-Lignon ?"
, s'est interrogé Jean-Michel Rosenfeld (PS),
adjoint au maire du 20e arrondissement de Paris.

Le président du Conseil régional d'Ile-de-France, Jean-Paul Huchon (PS), a appelé l'ensemble des élus franciliens à se rassembler lundi à 18 heures dans l'hémicycle du Conseil régional en vue de concourir à "un sursaut civique et citoyen". Le PCF a appelé "à un rassemblement de protestation", lundi à 18 heures, au métro Belleville à Paris (20e).

De son côté, Roger Cukierman, président du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), a suggéré que "les organisations religieuses, et notamment les imams des cités où il y a des agresseurs, fassent parvenir la bonne parole et indiquent que les actes antisémites sont insupportables".

Tous ont réclamé des moyens à la hauteur pour retrouver les agresseurs. Entendue samedi après-midi par la police judiciaire de Versailles, chargée de l'enquête par le parquet de Pontoise (Val d'Oise), la jeune femme, sans pouvoir donner un signalement précis de ses agresseurs, a pu détailler son agression.

Vendredi, peu avant 9 h 40, le train où elle se trouve vient de quitter la gare de Louvres (Val d'Oise), sur la partie de la ligne D du RER où la délinquance est quotidienne. Elle est installée au rez-de-chaussée d'un wagon à deux niveaux et elle voit arriver vers elles quatre jeunes hommes venus de l'étage supérieur bien vite rejoints par deux autres.

Selon ses déclarations, quatre seraient d'origine maghrébines et les autres africains, certains armés de couteaux. La jeune femme se retrouve entourée et bousculée et l'un des individus s'empare de son sac. C'est en voyant, que sur une pièce d'identité elle avait une adresse dans le XVIe arrondissement de Paris, que l'un des jeunes lui aurait lancé "dans le XVIe, il y a que des juifs".

Dès lors, ses agresseurs lacèrent son jean et son tee-shirt lui griffant la peau de leurs lames et lui dessinent, au marqueur noir, trois croix gammées sur le ventre. A la gare de Sarcelles, près d'un quart d'heure après le début de l'agression, les jeunes quittent précipitamment la rame renversant au passage la poussette où se trouvait le bébé.

Arrivée à Aubervilliers (Seine-Saint Denis) où elle réside maintenant, la jeune femme dépose plainte au commissariat qui lui conseille de consulter un médecin. Elle laisse aux policiers une adresse et un téléphone où les enquêteurs de la PJ de Versailles ne pourront la joindre que samedi après-midi et ne l'auditionneront jusqu'en début de soirée.

Les policiers, qui comptent beaucoup sur les images des caméras de surveillance des gares et sur le témoignage de voyageurs, devraient lancer un appel à témoin dès lundi dans les trains de la ligne D du RER.

Avec AFP